Champ Lexical: vêtements et identité de genre

Champ Lexical: vêtements et identité de genre

Champ lexical: les débuts!

Notre nouveau projet, Champ lexical, c’est une série de rencontres où l'équipe d'atelier b discute d’enjeux sociaux reliés à la pratique de designer avec des personnes qui sont directement concernées par les sujets abordés. Librement inspiré par nos discussions au sein de l’équipe, ce projet se veut un espace d’échange où il est possible de partager nos expériences et mettre doucement en place les changements qui vont de pair avec nos valeurs. Le partage étant limité par l’espace disponible pour la rédaction sur les réseaux sociaux, nous avions envie d’une autre plateforme où nous ne serions pas limitées par le contenant. Disponible en podcast, en vidéo ou en texte (ci-dessous), chaque entretien suscitera des pistes de réflexion sur un sujet sensible, d'actualité ou que nous souhaitons mieux comprendre.

Écouter la version podcast

Épisode 1: vêtements et identité de genre

Comment présenter les vêtements en ayant une approche plus inclusive? C’est la question qu’Annik nous a posée alors qu’on discutait de diversité. Annik St-Arnaud, c’est la collègue qui regarde atelier b avec un pas de recul et qui nous questionne sur notre façon de faire face à différents enjeux de société. Qu’on parle d’âge, de couleur, de diversité corporelle ou de genre, elle questionne, propose des solutions, pave tranquillement le chemin pour améliorer les choses. C’est un peu grâce à elle que nous offrons plus de tailles de vêtements et c’est à son initiative que nous avons décidé de faire une session photo non-genrée pour tenter de rompre la frontière qui sépare nos collections de vêtements. Si une séance photo avec un.e modèle non-binaire peut sembler un bien petit pas, pour nous, c’était une première réflexion sur la façon dont nous concevons le vêtement. 

À l’atelier, nous avons toustes autour de nous des gens trans, non-binaires ou qui ont décidé de ne pas performer le genre selon les normes établies. Au fil de la conversation, nous avons réalisé que l’on pouvait faire plus pour offrir un espace à l’intérieur duquel un plus grand nombre de personnes se sent à l’aise de discuter avec nous, de visiter notre boutique et d’essayer nos vêtements. La question de la représentativité devient primordiale quand on parle d’inclusivité. C’est souvent grâce à elle d'abord que nous sentons avoir une place dans un groupe, dans une ville ou en société.

Habiller les gens nous permet de se rapprocher d’eux. Nous assistons à la relation qui se crée entre une personne, son corps et son vêtement et cela dévoile souvent une part de vulnérabilité. Trouver des endroits où ce rapport-là est confortable et sécuritaire se fait entre autres grâce à la représentation. Sur les réseaux sociaux, ce sont généralement les personnes qui nous ressemblent ou qui évoquent ce à quoi on aspire qui nous interpellent. C'est donc avec tout cela en tête que nous avons débuté cette démarche. L’atelier est pour nous un lieu dans lequel on veut permettre au plus grand nombre de se reconnaître et d’être bien, avec une volonté d'accueil et d'ouverture.

Pour traiter de diversité de genre, nous devions trouver une équipe avec qui travailler qui étaient sensibles à cette réalité. Bien qu’une seule personne ne puisse pas parler pour tout un spectre d’individus, c’est notre façon d’entamer la conversation. C’est dans ce contexte que nous avons contacté Alex Lacelle qui, en plus d’être une personne non-binaire qui fait du mannequinat, a fondé l’agence Details qui regroupe une communauté diversifiée de modèles et d'artistes. Avec son agence, elle veut contribuer à élargir ce qui se fait en matière d’inclusivité et de représentation dans l’industrie de la mode.

behind the scene avec Cassandra Cacheiro et Alex Lacelle pour atelier b, champ lexical

Nous voulions ensuite trouver un.e photographe qui a une démarche qui nous inspire et qui a une sensibilité par rapport aux questions de diversité. Nous n’avons contacté Cassandra Cacheiro, qui a cofondé le Womahood Project. Elle travaille à multiplier les représentations de corps qu’on pourrait voir comme atypiques en les magnifiant de tout ce qu’ils ont d’ordinaire. Faire un shooting avec elle, c’est la sentir à l’écoute et tout en travaillant dans une ambiance réconfortante.

Avec Alex et Cassandra, nous avons donc créé une série de photos qui mélangent nos vestiaires féminins et masculins. Cette séance a ouvert la porte à la discussion sur les manières de rendre notre pratique de création et de promotion plus inclusive. L'entretien a été capté tout de suite après le shooting.


Les formes et les coupes de vêtements

Pour des designers, les vêtements non genrés nous demandent de défier les apprentissages faits dans les écoles de mode. Notre travail commence avec la conception des patrons qui sont construits autour de généralités associées à des corps binaires (considérés féminins ou masculins). Il faut donc déconstruire comment on crée les vêtements à partir de proportions générales. Les patrons créent une dynamique qui excluent beaucoup de personnes avant même de penser aux questions de genre. En effet, la diversité des tailles offertes et les proportions dites moyennes sont des exemples de ce qui limite les possibilités!

En personnalisant les vêtements pour différents types de corps, on réalise à quel point les besoins varient d'un corps à l'autre. Quand on tente de traverser la ligne entre les genres, ces mêmes questions reviennent. La longueur du tronc, la largeur des épaules, l’épaisseur du torse, la forme des hanches ou même la circonférence des cuisses sont des détails techniques auxquels nous devons réfléchir pour concevoir des vêtements qui conviennent à un maximum de profils. 

 photos de Cassandra Cacheiro pour atelier b, modèle Alex Lacelle detail the agency

Créer des espaces inclusifs

Au fil de la conversation, nous avons abordé le fait qu'il peut y avoir certaines similitudes dans les difficultés rencontrées par les personnes trans et les autres groupes marginalisés quand vient le temps de s’habiller. Qu’il s’agisse de trouver des vêtements qui vont bien faire et dans lesquels on se trouve belleaux est tout aussi difficile que de visiter des boutiques qui accueillent chaleureusement les gens issus de la diversité corporelle par exemple. La liste est longue quand on parle des expériences vécues : vêtements qui ne font tout simplement pas, cabines d’essayage non adaptées, peur du jugement, etc. 

Pour tout le monde autour de la table, il apparaît évident que la représentation exerce une influence non seulement sur les endroits où l’on se sentira en confiance, mais aussi sur les sentiments qu’on aura face à nous même. Si une partie du travail commence par un cheminement à faire sur soi – il faut avoir assez confiance en soi pour simplement aller magasiner – le monde qui nous entoure y est aussi pour beaucoup. Pour aider à se sentir bien, les trois invité.e.s suggèrent d’abord de faire un ménage sur nos réseaux sociaux pour y voir des gens qui nous ressemblent ou qui acceptent les corps différents. D’un côté comme de l’autre, on arrive mieux à imaginer un monde dans lequel on peut exister en étant soi-même. Pour plusieurs milieux, il apparaît très compliqué de faire des espaces plus inclusifs et cela n'est pas nécessairement faux. Il faut effectuer de grands changements dans notre manière de créer et de communiquer pour encourager l’inclusivité. Dans notre cas, ces actions nous permettent de rendre notre atelier plus accessible pour une diversité de personnes

Grâce à notre communauté, au sein de notre équipe comme dans notre entourage, l'échange nous a permis d'aller de l’avant. Que ce soit en ayant des avis externes sur la représentation ou bien en s’assurant de sortir de notre réseau pour montrer des personnes issues de la diversité, il n’y a pas de solution unique. Il faut se permettre de commettre des erreurs, d’accepter lorsqu’une personne nous les pointe, et de continuer les efforts malgré toutes les erreurs possibles. Chaque maladresse que nous corrigeons nous permet d’avancer vers un environnement plus sain. Par l’écoute constante et en gardant toujours un regard critique sur nous-même pour identifier nos propres biais cognitifs, on peut essayer de créer un espace que Bell Hooks qualifiait de Brave Space, c’est-à-dire un espace d’encouragement à faire entendre sa propre voix. C’est ainsi que nous avons toujours perçu l’atelier et nous voulons que cet espace qui nous est si cher soit confortable pour le plus grand nombre.

 

Pour voir notre section non-genrée, c’est par ici.
En savoir plus sur Details, l’agence d’Alex Lacelle
Apprécier le travail de Cassandra Cacheiro
Découvrir le portfolio d’Annik St-Arnaud.

 

Suggestions de lectures et ressources:

Apprendre à nous écrire, guide & politique d’écriture inclusive
ATQ (Aide aux trans du Québec)
Jeunes identités créatives Canada
Désigner les personnes non-binaires selon l’OQLF
Intégrer les personnes trans dans les milieux de travail
S’outiller pour mieux intervenir
Mieux nommer pour mieux comprendre

 

Merci à Mathieu Pipe-Rondeau pour la rédaction, à Marion Quesneau pour la captation et le montage et à François Ste-Marie du Studio Elnk pour l'habillage visuel.