Japon partie I: contrastes et savoirs

Japon partie I: contrastes et savoirs

Le Japon est un lieu que l’on rêvait de visiter Catherine et moi depuis les débuts d’atelier b. Sa culture et son design minimaliste, tant traditionnel que contemporain, est une grande source d’inspiration pour nous. D'ailleurs, depuis une dizaine d’années, Catherine fait littéralement des rêves où elle s’y trouve. Le lendemain, elle me partage ses aventures nocturnes pour que je puisse moi aussi m’imaginer là-bas. Cette fois-ci (et on s’est pincées pour vérifier) nous y étions réellement, quel privilège. Le voyage a eu lieu en mai dernier et nous avons eu la chance de visiter plusieurs parties du Japon pour y observer son architecture, son intégration de la nature et ses traditions. Plusieurs semaines après notre retour, il y a encore beaucoup d’informations à digérer, à analyser et à organiser. Ce texte a été plus long, plus détaillé, et plus exigeant à écrire que ce à quoi je m’attendais! J’espère pouvoir y capturer ce qui nous a touché et inspiré de la culture nippone. J’ai aussi préparé un parcours de nos endroits coups de cœur, ville par ville, qui sera publié séparément.

Le meilleur du Japon est souvent caché au bout des ruelles, sur une île, au fond des corridors, au deuxième étage d’un immeuble banal ou dans une maison adjacente à un commerce pignon sur la rue. Il nous est arrivé à quelques reprises de se faire demander “how did you find us?” avec étonnement, ce qui est signe que nos trouvailles sont réussies. Il faut savoir que le Japon reçoit parfois plus de touristes qu’il ne le souhaiterait, donc certains commerçants souhaitent garder une certaine exclusivité en se rendant plus difficile à trouver. Faire ses recherches en japonais rend les options beaucoup plus vastes, cela vaut l’effort et le temps de traduction; nous avons trouvé plusieurs perles ainsi. Une fois sur place, douceur, courtoisie et délicatesse (ainsi que des salutations et des formules de politesse en japonais) transformeront la méfiance en accueil chaleureux le temps de le dire. 

 

Contrastes et détails

Que ce soit le savoir-faire traditionnel côtoyant la fine pointe de la technologie, le silence contemplatif suivi par la fête bruyante, la noirceur contrôlée voisine de la pleine lumière, la culture japonaise en est définitivement une de contrastes. Des contrastes contrôlés, organisés et assumés, mais aussi très détaillés et maîtrisés. 

Dans le livre In Praise of Shadows écrit en 1933, l’auteur japonais Jun'ichirō Tanizak y aborde l’esthétisme japonais, en prenant la lumière comme principal sujet. Il est impressionnant en le lisant de voir la portée du champ lexical utilisé pour la décrire: obscure, sombre, brume crépusculaire, éclat pensif, lumière trouble, translucidité nuageuse, lueur ou luminescence onirique, obscurité enveloppante. Leur utilisation est assez poétique et les longs paragraphes descriptifs montrent à quel point leurs observations peuvent être profondes. En sachant que plusieurs mots Japonais n’ont pas de traduction, leur précision est d’autant plus impressionnante. C’est avec cette envie de remarquer la finesse des détails que nous sommes parties découvrir de petits morceaux de leur culture. 

 

Savoir-vivre

En pensant à cet extrait lu dans l’essai L’Art du Thé (1906) de l’auteur Kakuzo Okakura, nous nous sommes adaptées aux couleurs du Japon:

“Pas une couleur pour perturber le ton de la pièce, pas un son pour gâcher le rythme des choses, pas un geste pour troubler l'harmonie, pas un mot pour briser l'unité de l'environnement, tous les mouvements devaient être exécutés simplement et naturellement - tels étaient les objectifs de la cérémonie du thé.”

Nous y avons apprécié les palettes de couleur, beaucoup de bleus, de verts et de pastels côtoyaient la nature et l’architecture. Certains quartiers de Tokyo permettent les couleurs saturées et vibrantes, mais dès que l’on retrouve le calme du Japon traditionnel, les couleurs sont sobres, rompues, raffinées mais discrètes. Les objets, les vêtements, même les voitures s'adaptent au décor ou à l'extérieur des maisons!

  

Cette délicatesse fait partie d’une politesse et d’une retenue plus générale que nous avons pu apprécier de la culture Japonaise. Dans les lieux publics restreints, on exige le calme, presque le silence et les odeurs sont légères; on évite les parfums imposants. C’est le pays rêvé des hypersensibles! Il y a un soin qui est apporté à la propreté de la ville, aux plantes, mêmes aux objets perdus, souvent emballés et déposés sur le trottoir avec la mention “perdu”. Au début du voyage, encore en décalage horaire, nous nous levions souvent avant le lever du soleil dans le quartier Nishi-Nippori, au nord-est de Tokyo. Dans le calme de ce vieux quartier nous marchions en regardant le ciel se réveiller. Tranquillement, nous apercevions les résidents des petites rues pavées sortir pour nettoyer leur devanture, tailler leur buisson, désherber leur plate-bande. Des gestes répétés chaque matin, dans le calme. On leur lançait un doux “Ohayō Gozaimasu” et on recevait en retour de grands sourires polis. Une autre politesse qui nous a marquées, c’est la façon de dire au revoir. Lorsque l’on quitte la maison de quelqu’un et même une petite boutique ou restaurant, les gens qui nous ont reçu nous reconduisent à la porte et nous saluent jusqu’à perte de vue. Les voir faire des bye bye jusqu’à ce qu’on arrive au coin de la ruelle ou au bout de la rue est absolument charmant.

 

Savoir-faire

Une des choses que nous souhaitions observer pendant notre (trop court séjour) est le savoir-faire des Japonais. Au niveau du textile évidemment, nous sommes passionnées des coupes et de la confection si soignée et réfléchie que l’on y retrouve, mais aussi le savoir-faire de l’ébénisterie, de la construction, de l’architecture. On connaît par exemple la réputation de leurs techniques de menuiserie, où les pièces s'emboîtent sans clou ni colle.

Ces procédés simples et astucieux font partie de la grande méthode Karakuri, qui date de la période Edo et qui consiste en une utilisation de machines mécaniques astucieuses et sans énergie en utilisant par exemple la gravité et l’inertie plutôt que des appareils électriques, à moteur ou commandés par ordinateur. On peut penser à des poulies et des leviers par exemple. Nous avons visité le grand Bouddha du temple Kotoku, qui a été assemblé en suivant les principes de la méthode Karakuri. À l’intérieur de la sculpture, une enseigne résumait le complexe processus de fabrication, où les pièces de métal sont emboîtées l’une dans l’autre pour que la gravité les maintiennent en place. Les tsunamis et tempêtes ont emporté plusieurs parties de ce temple, mais l’immense Bouddha, lui, est resté figé dans le temps depuis près de huit siècles.

 


Art, nature, architecture

Pendant toutes nos visites de musées et de temples, le thème récurrent qui nous sautait aux yeux, tant dans l’architecture traditionnelle que contemporaine, c’était l'Intégration de la nature. Les paysages sont encadrés par l’architecture, on regarde dehors de l’intérieur, la nature étant présentée telle une œuvre. Il y a généralement peu d’endroits pour s'asseoir en public au Japon; peu de bancs sont à disposition des passants. Par contre, dans les lieux de contemplation de la nature, l’espace est prévu pour que l’on s’y recueille longuement. 

Nous vous présentons plusieurs de ces lieux qui se sont prêtés à la contemplation dans un parcours de nos aventures préférées à lire iciEn espérant que nous vous avons fait voyager avec nous! 

- Anne-Marie

Merci à Taka San de Awonoyoh pour la photo de nous deux en train de teindre à l'indigo.